COMMENT VIVRE AVEC NOS DIFFÉRENCES À L’ÉCOLE, AU COLLÈGE ET AU LYCÉE ?
Quatre mères très motivées ont participé au groupe de paroles et nous ont fait part de leurs émotions et de leur intime bouleversement lorsque les choses se passent mal à l’école, au collège ou au lycée.
Ce qui ne devait être qu’un petit préambule, a engendré d’emblée une discussion si vive et animée, avec un partage si intense, que nous avons choisi de laisser la parole circuler librement, sans ajouter à ce stade d’autres lectures.
Les mamans ont évoqué des conflits, plus ou moins graves et durables et l’impact de ces crises de relation avec le monde scolaire. Les effets sur les familles furent violents et se traduisirent parfois par des crises de confiance des parents envers leurs enfants. Plusieurs situations ont été évoquées, et ce fut pour nous l’occasion de remarquer les talents de conteuses des participantes. La visio-conférence les aurait elles désinhibées ? Leur aurait-elle donné une plus grande liberté de parole ?
De la peur de ne pas réussir, d’être jugé
La crainte du regard de l’Education Nationale, de ne pas réussir domine, une maman relate le comportement anxieux de son enfant à sa première réunion prof-parent, « c’était pire qu’un entretien d’embauche mon fils était tout tremblant ! » Le professeur, sensible à cette attitude, avait pourtant commencé en évoquant toutes les capacités du jeune garçon pour le mettre à l’aise. Une autre maman explique la pression psychologique familiale qui peut s’exercer sur un enfant et le bloquer ; « à l’entrée au collège, les jeunes sont stressés : la mienne, en tant qu’aînée des filles, se devait de réussir car le cousin venait d’avoir le Brevet ».
L’impression de ne pas être à la bonne place
Une autre mère souligne le problème de l’orientation. « Ma fille a beaucoup changé à partir du moment où nous l’avons laissée choisir l’orientation qui lui plaisait (1ère ST2S). Pour y arriver, il a fallu qu’elle parvienne à dire ce qui n’allait pas. On ne la reconnait plus aujourd’hui et elle-même s’interroge car elle ne comprend plus ses propres réactions passées ».
Indépendamment de la période particulière que nous vivons, des problèmes ont été signalés sur les diagnostics médicaux au sein de l’institution scolaire
Il existe parfois des incompréhensions quant aux diagnostics posés sur certaines pathologies : le médecin de famille et les référents médicaux de l’école ne sont pas toujours en accord. Une mère cite le diagnostic posé par une infirmière ayant décelé un problème de dos chez son fils, ce qui est contredit par le médecin de famille… Une autre évoque un problème de surdité décelé tardivement chez son fils à l’âge de 12 ans. Avant la tombée du diagnostic, on ne cessait de lui reprocher de parler trop fort. L’AVS prévue n’est jamais arrivée pour l’aider. Une autre maman intervient alors pour compatir. Son père était sourd et comme elle dit en souriant « il fallait crier pour se faire entendre de lui, crier d’une voix encore plus forte que celle des gens du Maghreb qui n’ont pas la crainte des voisins, dans leurs maisons de village ! » Elle indique l’intérêt de la classe ULIS qui a été si bénéfique pour son enfant en difficulté d’apprentissage et la recommande vivement en cas de reconnaissance d’un retard d’apprentissage ou d’un handicap.
Les années collège, des moments difficiles
Lors de ce groupe, elles se sont réconfortées et encouragées dans leur tâche essentielle de soutenir leurs enfants et elles nous ont dit combien cet espace de parole leur était précieux. « Quand on vous tend une main, la pression descend ». Toutes l’ont affirmé haut et fort mais surtout une mère qui participait pour la première fois au GP. « J’aurais voulu vivre bien plus tôt cette expérience ! ».
Elles ont pu dire qu’elles sont souvent sorties en larmes d’une réunion ou d’un appel de l’école. La période de l’adolescence est complexe et parfois douloureuse et certains incidents laissent des traces dans l’estime de soi. Cela semble dépendre entre autres des professeurs qui ont un impact important sur la manière dont le jeune s’estime et se projette. Certains professeurs sont plus réceptifs et compréhensifs que d’autres.
L’ensemble de ces témoignages nous confortent dans l’idée qu’il est indispensable d’accompagner et écouter les parents dont les enfants ont des difficultés d’apprentissage et qu’au-delà, il faut créer un espace de médiation avec les établissements scolaires pour qu’un dialogue constructif s’instaure entre l’institution scolaire et la famille.
Annie Teboul et Anne-Lise Schmitt