Olivier Hercend, écrivain qui vient de publier son premier roman, Zita chez Albin Michel est venu nous visiter à la Bienvenue et nous a envoyé ce texte que nous publions :
Le bienvenu
Tout a commencé par une vitrine. Ce petit pan de mur rouge et ces livres devant lesquels je passais distraitement en descendant la rue de la Butte aux Cailles. Parfois je regardais : une librairie ? Je me suis posé la question. Mais le nom m’évoquait plus d’ouverture, un petit havre de paix. Une association alors. J’en connais un certain nombre : depuis quelques années, je donne des cours, je fais de l’aide aux devoirs, de la lecture. Mais ce petit local, si joli, boisé et peint, ne ressemblait pas à celles que je fréquentais. Et puis ces livres en vitrine, bien disposés et offerts à la vue…
Comme toujours dans ces cas-là, on garde l’image dans un coin de sa tête et l’on poursuit sa route. Parfois, on jette un œil aux couvertures, en consommateur blasé, à peine un instant pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas des nouveautés que l’on voit partout ailleurs. Le choix est plus éclectique, plus mystérieux. On devine le cœur. Et déjà l’on est passé.
Et puis, je dois l’avouer, les vitrines de librairies ont pris pendant quelques semaines une valeur nouvelle pour moi. Je venais de publier mon premier roman, Zita. Alors enfin, entre deux semestres d’université, flânant dans la chaleur un peu étrange de janvier 2021, je me suis arrêté. J’ai vu le couloir au bout du local, et j’ai deviné une autre salle dans la pénombre. Le chemin que l’œil voit, les jambes le suivent déjà en pensée. Je suis rentré et j’ai contacté l’association. Après tout, ces amis de la bienvenue, amis des livres, mes voisins, j’allais les rencontrer.
C’est ainsi qu’un samedi de février – froid à présent, les rues blanches de glace et de sel – je suis entré, un exemplaire de ma Zita dans un petit sac à ma hanche, et j’ai rencontré Laurent – qui le lisait déjà. Et avec lui, presque aussitôt, Michèle, puis de nouveau Michèle, Anne-Lise, Claude… Certains entraient et se présentaient, d’autres apparaissaient dans la conversation, et toute une petite constellation, à travers le quartier et à travers les années, se formait devant moi. Des années 50 et des débuts de l’association dans ce quartier populaire au présent dans toute sa diversité – jeunes et vieux, anciens du quartier et nouveaux arrivants, parfois de très loin comme ces migrants qui viennent apprendre le français. Le couloir, la salle du fond, tout cela respirait la vie et la communauté : soigneusement organisé, cosy et accueillant. La conversation, malgré les masques et les lourds vêtements, se nourrissait de cette chaleur humaine. Si quelqu’un lit ces mots après la pandémie, peut-être aurez-vous oublié tout ce dont nous avons manqué pendant plus d’une année, mais à ce moment précis, il y avait là une animation qui ne se trouvait plus dehors. Je ne m’en suis senti que davantage le bienvenu.
Voilà comment s’est déroulée ma première rencontre avec les amis de la bienvenue. Mais d’amis et de voisins, il m’en reste sans doute bien d’autres à découvrir. Au plaisir !