Dans ces temps où la répétition d’actes odieux accomplis prétendument « au nom de la religion » bouleverse autant les croyants que ceux qui ne professent aucune foi, il est peut-être nécessaire de rappeler certains faits à propos des rapports entre religion, laïcité et société.
Les religions sont aussi anciennes que les manifestations connues de l’humanité. Toujours et partout on rencontre leurs traces et leur puissance. Elles unissent les communautés humaines autour de messages et de croyances qui donnent des règles et un sens sacré à leurs façons de vivre, à leur existence même. Elles apportent des réponses à l’étonnement des vivants que nous sommes face à la diversité, à la beauté, à la fragilité du monde.
Chacune donne une réponse aux questions fondamentales que l’on trouve dans toute société et en chacun : D’où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ?
La laïcité, elle, n’est ni de toujours, ni de partout ; elle n’est ni une croyance, ni une religion nouvelle, elle ne tranche pas entre elles. Elle ne nous éclaire ni sur le monde, ni sur notre destinée ; elle ne dit rien de cela et peut de ce fait apparaître déceptive.
Son objectif est autre, inscrit pour nous dans la loi de 1905 qui pose la séparation de l’Église et de l’État.
Certains rappels historiques sont utiles : la France a connu au 16è siècle des guerres longues et sanglantes entre des religions qui se réclamaient pourtant du même Dieu. Entre le 18è et la fin du 19é siècle, c’est en luttant contre la Monarchie et l’Église qu’elle a fondé une République ‘une et indivisible’ dont la tâche était/est de préserver la liberté et l’égalité de chaque citoyen.
Permettre à tous de vivre ensemble sur la base de la liberté de chacun garantie par les lois ; tel était/est l’objectif de la laïcité.
Il ne s’agit pas d’un simple principe de tolérance qui a permis la présence de minorités dans des sociétés absolutistes ou reposant sur l’hégémonie de certains groupes : il s’agit de tisser le cadre et la possibilité d’une vie commune :
« Le cadre laïque, explique en 1945 un député à la tribune, se donne les moyens de faire coexister sur un même territoire des individus qui ne partagent pas les mêmes convictions, au lieu de les juxtaposer en une mosaïque de communautés fermées sur elles-mêmes et mutuellement exclusives. »
C’est ce cadre que tracent les trois principes fondateurs du pacte de laïcité :
- La liberté de conscience et de manifester ses convictions dans le respect de l’ordre public.
- La séparation des institutions publiques et des organisations religieuses.
- L’égalité de tous devant la loi quelles que soient leurs croyances ou leurs convictions.
Se dire laïque, ce n’est donc en rien devoir renoncer à sa religion, encore moins se définir comme athée. Être laïque, c’est se définir comme citoyen dans une société où il importe de créer une vie et des activités communes qui prennent en compte la liberté et la diversité de chacun quant à ses croyances. Pour cela, il faut des institutions publiques séparées de toute dimension confessionnelle : le Droit et l’École en sont les piliers essentiels.
Le Droit parce qu’il garantit le respect de chaque citoyen face à la loi.
L’École parce que sa tâche est de former des enfants pour qu’ils puissent être des citoyens libres dans leurs choix et leurs jugements.
Dans un monde où la circulation des hommes et des marchandises est de plus en plus dense, de plus en plus rapide, ce pacte, moral plus encore que juridique est la seule perspective qui permette à notre monde pluriel de se construire un avenir pacifique et commun c’est-à-dire un avenir tout court
Geneviève Darmon